Les indices pensables. Episode 81, par Brunor

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81- Reprocher à Dieu l’inachèvement ?

Résumé des épisodes précédents* : « Créer est le propre de la bonté de Dieu,  être créé est le propre de la nature l’homme. Si donc tu lui offres ce qui est tien, c’est à dire la foi en lui et la soumission [l’abandon], tu recevras son Art, et tu seras une œuvre parfaite de Dieu.
Mais si tu n’as pas foi en lui,  et si tu fuis sa main, la cause de ton INACHEVEMENT résidera en toi, qui n’as pas obéi, mais non en lui qui t’a appelé. »

Avant les vacances nous lisions ce passage de saint Irénée de Lyon (130-202) qui exposait la compréhension du dessein bienveillant de Dieu, tel qu’on l’exprimait dès les débuts, dans la langue de l’Eglise qui était le grec, à la fin du second siècle. Nous sommes « inachevés ». Nous sommes dans cet état  tant que nous n’avons pas vécu la théiosis ou théosis (divinisation par Dieu, avec notre coopération). N’allons pas reprocher au Créateur notre inachèvement, ce n’est pas Dieu qui en est responsable,  mais c’est  nous, tant que nous refusons de nous laisser faire ou de coopérer avec Lui, qui ne cesse de nous inviter…
« Lui en effet, il a envoyé des gens pour inviter aux noces; ceux qui n’ont pas écouté son invitation  se sont privés [eux-mêmes] du banquet royal. »
On pourrait traduire : N’allons pas dire de Lui qu’il nous a privés de ces noces royales par la faute d’un autre comme dans certaines rancœurs entre familles,( pour un lointain ancêtre en disgrâce, par exemple) alors que c’est chacun de nous personnellement qui pouvons  été sourds à son appel et avons la faculté de refuser d’y participer, engageant ainsi notre response, notre responsabilité.
Saint Irénée poursuit son exposé :
« Ce n’est donc pas l’art qui a manqué à Dieu- car Dieu est puissant pour susciter, à partir de pierres, des fils d’Abraham -mais celui qui ne consent pas à l’Art de Dieu, celui-là est cause de son propre INACHEVEMENT (1). »

Il est possible que ce thème de l’inachèvement soit assez inhabituel pour nos oreilles du XXI° siècle, de même que celui de la théosis, pourtant cette façon de décrire le dessein de Dieu n’a jamais été abolie depuis les premiers siècles de l’ère chrétienne, ni officiellement ni officieusement, elle est toujours actuelle, mais elle a sans doute  été quelque peu oubliée. C’est dommage. Elle avait beaucoup à nous enseigner dans plusieurs directions.


Comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents, elle est tout à fait conforme avec l’Ecriture.
De plus, elle est, ni plus ni moins l’enseignement de l’apôtre Paul, qui expliquait que cette théosis n’est autre qu’une transformation, qu’il appelle en grec « métamorphose » selon la métaphore /parabole de la chenille dont la vocation est de devenir papillon. Ou plutôt : de renaître papillon, entièrement transformée non par ses propres forces uniquement, mais par son message génétique qui commande à  sa transformation par étapes. En sorte que c’est par nature que la chenille connaîtra cette métamorphose, alors que l’homme, c’est autre chose. Ce n’est pas par nature que je vivrai cette métamorphose mais par grâce. Ce cadeau est offert à tout homme, mais il n’est pas automatique. Il n’est pas mécanique ni  biologique comme la transformation en papillon. Cette étape ultime passe par le prisme de ma liberté. Comme dit Irénée, celui qui ne consent pas à l’Art de Dieu, celui-là est cause de son propre INACHEVEMENT . »

Mais ce n’est pas tout, cette théosis trop oubliée qui s’appuie sur une Création réalisée par étapes, présente une caractéristique très remarquable : elle a le mérite d’être compatible avec tout ce que nous apprenons du réel.
Elle a, en effet, le mérite d’être une des seules représentations du monde et de l’Homme compatible avec cette construction par étapes qui caractérise tout ce que nous observons dans l’Univers, tel que nous le découvrons depuis le  XX° siècle.

EN effet, que nous apprend l’étude du Livre de la Création ? Ce grand livre de la nature, de l’Univers que nous commençons à lire, nous dit une chose révolutionnaire que nos grands- parents des années trente ont eu beaucoup de difficulté à envisager : l’Univers et tout ce qu’il contient ont été construits-créés par étapes, et non pas d’un seul coup ou en une seule semaine comme on le croyait en toute bonne foi jusqu’alors, parce que ça semblait être marqué dans la Bible. (Mais il a fallu apprendre à mieux lire la Bible et dépasser les simplifications). Nous observons un fait certain qui reste compatible avec la Bible quand elle est correctement traduite de l’Hébreu : l’histoire de l’Univers est faite par étapes successives.


 Elle est faite d’une série de commencements et de développements qui ont été appelés « évolutions », car, de fait, ces mouvements marquent une progression, qui va globalement du plus simple vers le plus complexe. Nous connaissons le grand mouvement montant des organismes vivants qui est appelé à juste titre évolution biologique car on observe qu’il y a davantage d’information aujourd’hui que 3,7 milliards d’années plus tôt. Le message génétique sur lequel sont inscrites les instructions pour fabriquer le monocellulaire d’il y a 3,7 milliards d’années est beaucoup moins riche en information que le message portant les instructions pour fabriquer l’organisme humain avec son cerveau et ses 200 milliards de neurones. C’est un fait observable. Nous apprenons aussi que dans l’Univers, tout se fait par communication d’information. On notera que pour qu’il y ait augmentation d’information quelque part, il faut une source et il faut que cette source soit elle-même… intelligente.

Quant à nous, nous nous situons quelque part dans ce grand mouvement de développement, qui est encore  inachevé. Si des personnes pensent que nous exagérons car la Bible semble affirmer que la Création est achevée depuis les 6 jours de Genèse, ils pourront se rassurer en lisant cette petite citation du Pape Benoit XVI, aux Bernardins en 2008 : « La Création n’est pas encore achevée. » Une déclaration difficile à entendre pour les personnes qu’un monde statique et fixiste rassurait. Mais le Pape, tenant compte du réel affirme que l’Univers  n’est pas fixe, statique, créé définitivement : il est en mouvement. Comme l’avais si bien vu le prêtre et géologue-paléontologue Pierre Teilhard de Chardin : « nous ne sommes pas dans un cosmos (achevé), mais dans une cosmogénèse (inachevée) ». Heureusement que le Pape a corrigé une interprétation erronée de la Bible, sans quoi, la foi risquait de devenir incompatible avec le réel
connu par les sciences expérimentales qui nous décrivent un Univers inachevé.

Mais quid de la relation sciences/Bible ? Un ami, prof de philo me pose une question technique fondamentale : ne risques-tu pas de confondre les ordres de la connaissance avec ta méthode d’enquête ? Les sciences ne sont-elles pas présentées comme supérieures à la philosophie et à la théologie ? Cette objection intéressante mérite d’être prise en compte dans le prochain épisode de cette chronique.

(A suivre…)


Brunor

  1.  (Saint Irénée ,  Aversus Haereses, IV, 39- 2 et 3, dont le titre français est : « Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur » (livre IV).
  2. Selon le mot de saint Augustin, deux livres permettent de connaître le Créateur :
     « Le livre de la Révélation et le livre de la Création. On notera que les deux livres sont faits par étapes… Voir la chronique 2
  3. Parution le 13 octobre 2016 du nouvel album des indices pensables : Les Jours effacés.

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