Les indices pensables. Episode 74, par Brunor
Index des chroniques
74- La punition du corporel ?
Résumé : Alors que nous enquêtons sur les origines du désaccord profond entre l’Eglise et « le jansénisme », nous découvrons qu’une lecture platonicienne des textes bibliques pourrait être la cause de cette confusion considérable dès le premier siècle entre l’Eglise et les gnoses…
Nous sommes sur la piste de celui qui était bien placé pour lire la Bible avec les « lunettes » de Platon : le philosophe Philon d’Alexandrie (mort en 50 après Jésus Christ, vers 75 ans). Essayons ensemble de comprendre d’où vient sa confusion…
Parmi les philosophes, et parmi les platoniciens, Philon est sans doute l’un des premiers à avoir eu accès aux textes bibliques. Tout simplement parce qu’il était hébreu lui-même. La Bible appartient à sa tradition familiale, il est devenu platonicien par la suite. Il va donc jouer un rôle charnière entre ces deux courants de pensée (Biblique et Platonicien) qui, malgré les apparences ne sont pas du tout semblables. En effet, plus nous les étudions, plus nous mesurons à quel point ces deux grands courants métaphysiques sont contradictoires.
Ici les apparences sont trompeuses, car, bien entendu, du point de vue de la forme, ces deux courants de pensée se ressemblent, et pourraient sembler assez proches puisqu’il est question dans les deux cas, d’ un récit qui essaie d’expliquer pourquoi nous nous trouvons actuellement dans un Monde où la maladie, les accidents, les malheurs et la mort ont étendu leur empire. Ainsi lorsque Philon lit dans la Bible de ses Pères le livre de la Genèse, il est convaincu d’y retrouver le récit de la chute que relatait le grand Platon. Et c’est là son erreur, comme nous le verrons.
Pour appuyer son propos, Philon marque une distinction essentielle entre deux passages du livre de la Genèse. Celui de Genèse 1,26 et celui de Genèse 2,27.
Selon Philon, dans son livre : Traité de la Création du Monde, l’Homme créé en Genèse 1,26 est créé à l’image de Dieu (§ 69), il était spirituel, incorporel, ni masculin ni féminin, et bien sûr, incorruptible par nature… Ce premier Homme est dans la plénitude et ne connait pas la mort.
Puis, c’est seulement par la suite, dans un deuxième temps, dans Genèse 2,27 que l’on trouvera l’Homme matériel qui est un être sensible, corporel, masculin ou féminin, qui est mortel par nature.
Que s’est-il passé entre les deux ?
Que s’est-il passé entre Genèse 1,26 et Genèse 2,27 ? Comment l’homme spirituel de Genèse 1, 26 est-il devenu l’Homme matériel et mortel de Genèse 2,27 ?
Philon, s’inspirant de l’Orphisme et Platon, croit lire que l’Homme a perdu la plénitude, à cause de la fameuse chute platonicienne(1) qui est la conséquence d’un péché dont l’expulsion du paradis est la juste punition. L’Homme spirituel de Genèse 1,26 qui est de nature divine selon Platon (il n’est pas créé mais émané) est propulsé dans la matière qui devient sa prison durant la durée de sa vie. « Soma-sema » : mon corps est la prison de mon âme. Une vision très négative de l’être humain qui est marqué à cause de sa faute par le dualisme, (cet antagonisme) entre deux substances inconciliables : la substance divine bonne (l’âme) et la substance matérielle mauvaise (le corps)…
Toutes les interprétations des mythes orphiques et platoniciens sont réunies et, aux yeux de Philon, SEMBLENT coïncider avec le récit biblique.
La matière mauvaise, principe du mal et des maux, la mort attribuée à ce monde matériel, la perte de la Plénitude (Plérôme) qu’il faut retrouver par un chemin inverse…
Mais Philon est tellement aveuglé par le plaisir intellectuel de retrouver Platon dans la Bible, qu’il en oublie toute objectivité et ne voit absolument pas les contradictions pourtant considérables, entre les deux conceptions du Monde et en particulier de l’Homme.
Il ne voit pas que pour la Bible, la matière n’est pas « mauvaise », au contraire, elle est dite « bonne ». Philon ne voit pas que l’Homme et la Femme sont faits de matière (poussière du sol) indépendamment de leur péché. Dans la Bible, le cosmos matériel n’est pas créé par Dieu après le péché pour punir l’Humanité coupable, le cosmos est déjà présent bien avant toute transgression…
Philon et certains de ses partisans ont complètement trafiqué le récit Biblique pour y lire le récit païen, orphique et platonicien d’une chute qui aurait soi-disant détruit toutes les facultés de l’Homme comme l’ont enseigné les « jansénistes » et comme l’a refusé l’Eglise avec la plus grande fermeté.
Nous verrons comment saint Paul a été un vaillant adversaire (trop oublié) du syncrétisme de Philon, avant saint Irénée de Lyon et son grand combat contre les gnoses. Tertulien, contemporain de ce dernier disait : vers l’an 180 : « Je m’afflige de ce que Platon soit devenu le pourvoyeur de tous les hérétiques ! »
(A suivre…)
Brunor
(1) Voir les chroniques sur la chute platoniciennehttp://brunor.fr/PAGES/Pages_Chroniques/57-Chronique.html
(2) Illustration tirée du Tome 6 des indices pensables : Le Secret de l’ADAM inachevé. (Brunor éditions). Dans toutes les bonnes librairies en précisant « diffusion Salvator », pour aider le libraire à les commander. Si non, sur internet.
Dans la collection :
Les indices pensables,
nouvel Album (octobre 2012)
La
lumière
fatiguée
Scénarios et dessins de Brunor
Albums déjà parus :