Les indices pensables. Episode 56, par Brunor

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57 –Le débat Platon Aristote sur la question de l’âme.

Résumé : Nous avons vu comment le débat qui opposait Aristote à Démocrite sur la question du hasard s’est poursuivi depuis plus de  deux mille ans…Pour trouver enfin une réponse(1). Pendant ce temps, un autre grand débat opposait Aristote à son ancien maître Platon sur la question de l’âme. Commençons par nous pencher sur la théorie de Platon…


Il semblerait que le grand Platon qui enseignait à Athènes à  l’Académie, n’ait pas élaboré lui-même une théorie sur l’âme, mais qu’il ait plutôt adopté celle de traditions anciennes et vénérables comme l’Orphisme et l’Hermétisme. Un de ses  livres, Le Timée nous donne une idée de cette théorie des êtres vivants  enseigné par Platon, bien connue des philosophes, mais trop peu du grand public, alors que ce n’est pas du tout compliqué et que cela vaut vraiment  la peine.
Platon enseignait donc ceci à ses élèves, dont Aristote faisait partie, vers l’an 350 avant Jésus Christ. Il y a un dieu que l’on nomme l’UN qui n’est pas créateur, il ne créée pas intentionnellement, mais de lui, vont « émaner » des choses. Emaner : par exemple d’un feu de camp vont « émaner » de la chaleur et de la lumière, sans que le feu le veuille intentionnellement. Cela sort du feu, sans même qu’il le sache. On dira aussi que la chaleur et la lumière « procèdent » de ce feu. Ainsi du dieu UN va émaner un deuxième dieu qu’on appelle dieu second, fils de dieu, logos… Puis un autre dieu va émaner que Platon nomme l’âme du monde. Nous avons donc à présent trois dieux. C’est un polythéisme (ce qui compliquera ultérieurement la vie des Pères chrétiens car chez Platon il ne s’agit pas d’une trinité mais vraiment de trois dieux qui arrivent l’un après l’autre. Trois individus divins. Alors que depuis les origines, l’Eglise affirme la foi chrétienne en un Dieu Unique, même s’il est « trois fois saint », absolument simple : « omnino simplex ».

Selon les papes et les Conciles, la foi chrétienne est absolument monothéiste ni plus ni moins que la foi de nos frère aînés les juifs et plus tard, celle de l’Islam. Nous y reviendrons car ce point est essentiel, et il n’enlève rien à Jésus-Christ, ni à l’Esprit Saint, comme nous le verrons. Si nous n’affirmons pas la foi en un Dieu Unique, nous risquerions d’être des polythéistes païens !
Selon le système orphique adopté par Platon, l’émanation suivante concerne les êtres humains.

Récapitulons : dans le paradis du dieu de Platon il y a d’abord le dieu Un, puis un deuxième dieu, puis un troisième dieu, puis des hommes spirituels. Ils n’ont pas de corps, ne sont pas constitués de matière, ils n’y a donc ni hommes ni femmes, ils sont un peu comme des purs esprits, des anges, Origène disait des éons… Tout va bien dans la lumière des trois dieux de Platon dont ils sont comme des étincelles d’un feu, des flammes impersonnelles. Toutes ces émanations sont de substance divine. Les hommes spirituels sont des parcelles du divin et tout va très bien dans ce paradis.
Mais dans l’amphithéâtre, les étudiants de Platon ne manquent pas de lever le doigt et de poser la question : Maître, pourquoi ne sommes-nous plus dans ce paradis ? Pourquoi l’avons-nous quitté pour ce monde de malheurs, de maladies,  de tragédie,  de tristesse, d’injustice et de morts ? Platon, qui apprécie les questions à juste titre répond astucieusement : et vous, jeune homme ? Qu’en dites-vous ?
 _Hum… Eh bien je pense que notre présence dans ce cauchemar tragique qu’est le monde ne peut s’expliquer que par une punition… Je ne vois pas d’autre explication. Les hommes spirituels que nous étions n’ont pas pu venir intentionnellement se perdre dans ce monde si dur où dès l’enfance la maladie et les caries menacent tout être humain voué à une mort certaine.
Très bien répond Platon. C’est ce qu’enseigne la vénérable tradition de l’Orphisme.
_Mais maître, pourquoi avons-nous un corps ? demande un autre étudiant… Et pourquoi n’avons-nous aucun souvenir de ce temps paradisiaque ?
_Nous sommes des hommes spirituel déchus répond Platon. Dans ce ciel, ce monde des idées, nous avons assurément commis une faute ou plusieurs, méritant ainsi d’être chassés de ce paradis perdu. Nous avons donc effectué une Chute. Cette chute nous a fait oublier notre véritable condition, et elle nous a fait aboutir dans ce qu’il y a de pire au monde, la matière !
En sorte que nous en sommes couverts de la tête aux pieds, vérifiez… La matière c’est l’opposé du divin d’où nous venons, et cette matière qui n’est autre que de la fange est devenue notre prison pour la durée de notre vie dans ce monde fait de matière.
Jeu de mot platonicien : soma/sema. Mon corps-soma est la prison-sema de mon âme. D’ailleurs mon âme n’est autre que l’homme spirituel que je suis à l’origine, de substance divine, déchu dans ce monde matériel, ce cosmos qui n’existe que pour accueillir ma punition. Il faut comprendre que dans ce mythe orphique de la Chute, la faute a eu lieu avant l’existence de l’Univers matériel, du Cosmos, de la planète Terre, dont la seule raison d’être est de constituer le bagne de ma punition. C’est malheureusement ce système si tragique que Platon a choisi pour expliquer sa propre vision du Monde. La faute et la chute précèdent l’existence du Cormos…
La suite la semaine prochaine : Pourquoi les femmes selon Platon et l’Orphisme ?

Bien amicalement

Brunor

 (1)Voir le nouveau livre :  rendre au hasard ce qui est au hasard par Brunor. 150 pages, 60 dessins inédits. 10 euros. Chez Brunor éditions. Ou lire chronique 32
 

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