Les indices pensables. Episode 48, par Brunor
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    48- D’où vient ce mot : Big Bang ? 
Résumé des épisodes précédents : la première fois qu’un Pape a prononcé en public le mot Big Bang, c’était le 27 octobre dernier (2014). Depuis quelques semaines nous faisons une petite enquête pour connaître l’histoire de cette découverte et savoir d’où vient ce mot, qui l’a inventé ?…(1)
    En  mai 1965, les deux ingénieurs Penzias et Wilson ont compris qu’ils avaient  capté sans le savoir, la trace des premiers instants de notre Univers. On  pourrait dire qu’ils ont capté ce rayonnement électromagnétique « par  hasard », dans la mesure où ils n’ont rien fait pour le trouver. Au  contraire, ils cherchaient même à se débarrasser de cette pénible interférence… 
    
    Mais avec une le type d’antenne géante que leurs employeurs, les patrons des  téléphones Bell, les avaient  chargés de  faire fonctionner, ils ne pouvaient pas manquer de capter tôt ou tard ce  « rayonnement fossile ». Un rayonnement ténu, certes,  mais  partout présent dans l’Univers, comme le leur  a expliqué le professeur Dicke, qui, après 15 années de recherche avec son  équipe de Princeton, allait bientôt pouvoir, lui aussi, enregistrer cet indice  si précieux pour comprendre notre monde. En effet, ils ont détecté sur leurs  appareils, ce qu’il reste des formidables chaleur et énergie des débuts de l’expansion  considérable qui se déploie depuis les 13,81  milliards d’années d’existence de l’Univers…
    Le temps et l’expansion ont dilué cette puissance d’origine, mais on peut  encore la percevoir sous forme de micro-ondes, partout dans l’Univers.
  
    Nos ingénieurs venaient de toucher du doigt un indice incontournable dans  l’enquête cherchant à répondre à une vieille question que l’humanité se pose depuis  l’Antiquité: notre Univers a-t-il eu un commencement ou bien, est-il  éternel ?
    Comme avant 1965, personne  n’avait les  moyens de connaitre la vraie réponse à cette question, chaque philosophie et  religion prétendait apporter la bonne réponse. Il y avait donc un débat. 
  
    Il est clair que cette découverte du « Big Bang » n’allait pas plaire  à tout le monde, car elle apportait, si ce n’est une preuve, du moins, des  indices sérieux, sur le fait que l’Univers ne serait donc pas du tout  éternel.  Idée qui rappelait beaucoup  trop les vieux textes bibliques aux yeux de beaucoup. Cette représentation du  monde s’opposait radicalement aux interprétations majoritaires dans la  communauté scientifique des années 1960 où les philosophies dominantes  étaient le matérialisme ou le spinozisme, mais certainement pas le judéo  christianisme biblique!
    
    Il  faut savoir que cette croyance en un Univers éternel était un des fondements de  l’un des courants de pensée les plus élaborés de l’Antiquité. Le postulat  fondamental de l’athéisme matérialiste qui nous vient des philosophes  Parménide, Leucippe et Démocrite, Epicure et Lucrèce (2). Il repose sur une  idée très claire : les atomes ont toujours existé, puisqu’ils n’ont pas pu  sortir du néant et qu’ils n’ont été créés par aucun dieu. Les atomes sont donc  éternels. Donc l’Univers lui-même est éternel, soit sous sa forme actuelle de « Cosmos »,  soit sous sa forme primordiale de « Chaos ». Quoiqu’il en soit,  Démocrite affirme que l’on passe du Chaos au Cosmos sans aucune intelligence  organisatrice (aucun dieu, aucun démiurge). On notera qu’Aristote s’est opposé  à cette idée, ses recherche sur le réel le conduisant à penser qu’une  Intelligence organisatrice est à l’œuvre. 
    
    L’un des représentants de cette croyance en un Univers éternel n’était autre  que l’un des découvreurs du Big Bang : Robert  Woodrow Wilson lui-même (né en 1936).  Mettons-nous à sa place.
    Voilà que l’un des partisans de l’Univers éternel vient, sans le faire exprès,  de participer à une découverte qui démontre l’erreur de sa propre  philosophie ! 
    On notera au passage que nous avons là une occasion supplémentaire de voir à  quel point ces deux ordres : philosophie et sciences, sont en interaction  dès que la connaissance progresse.
    
    La trouvaille scientifique de Wilson venait confirmer  la théorie philosophique d’un commencement de  l’Univers, opposée à la sienne … De quoi provoquer chez lui un certain vertige  métaphysique et peut-être même… psychologique.
  
    Surtout que l’une des coïncidences les plus étranges dans cette affaire, c’est  que  Wilson avait autrefois été  l’élève, à la prestigieuse université de Caltech (3),  d’un grand professeur d’astronomie qui fut  sans doute l’un des scientifiques les plus farouchement opposés à cette idée  d’un commencement de l’Univers : Fred Hoyle (1915-2001). 
    Non seulement ce grand savant britannique fut l’un des artisans d’une théorie  de l’Univers stationnaire (4)  destinée à  contrer l’idée d’un commencement et d’une usure de l’Univers, mais c’est lui  qui inventa le si célèbre terme de… Big Bang ! 
    Lors d’une émission à la BBC qui eut lieu en 1949, le journaliste lui demanda  ce qu’il pensait de cette théorie d’un Univers en expansion qui aurait donc  connu un commencement. Fred Hoyle s’esclaffa : Ah Ah Ah ! vous  imaginez ça ?... Une sorte de grosse explosion, un gros Bang !! (En  Anglais : a big Bang). Ridiculus ! (5)
     
    
    
    C’était la première fois que ce mot était  prononcé en public, dans un grand éclat de  rire, pour tourner en dérision cette si ridicule croyance des antiques hébreux  en un commencement du monde… C’était sur les ondes radios de la BBC, quelques  années après les messages de Radio Londres… Les  sanglots longs des violons de l’automne…
    Comme  ces vers de Paul Verlaine choisis et utilisés comme un code secret pour l’  heureuse annonce d’un changement de monde, le mot Big Bang allait bientôt être  connu comme l’entrée dans un nouveau paradigme (6) : notre Univers a eu un  commencement , nous le datons aujourd’hui de 13,81 milliards d’années (7), et  cette nouvelle compréhension du Monde n’est pas incompatible avec le texte de  la Genèse biblique qui, rédigé sans doute vers l’an 500 avant Jésus Christ,  parlait déjà d’un Univers qui n’est pas éternel dans le passé…
    Aura-t-il une fin ? 
    Les hébreux qui ont mis ces livres par écrit n’ont pas cherché à rédiger un  traité scientifique, le mot sciences n’existait pas, et le concept de science  non plus. Mais ils ont posé des affirmations sur l’Univers entier qui sont  devenus vérifiables par l’outil scientifique… En sorte qu’on peut vérifier si  leur idée d’un commencement du monde est compatible ou non avec le réel  qu’étudient nos scientifiques, car c’est bien du même monde que parlent les uns  et les autres…
    Aura-t-il une fin ?
    Nous en parlerons la  semaine prochaine en précisant la question de commencement…
   (A suivre…) 
  
    Brunor 
Dans la collection :
Les indices pensables,
nouvel Album (octobre 2012)
La 
  lumière 
  fatiguée
Scénarios et dessins de Brunor
Albums déjà parus :